Mall encounter
Ahahhahahhah qu’il la fait rire !
Et encore ce n’est qu’au téléphone portable, quand il arrivera dans une demi-heure dans le centre commercial, elle sera vraiment aux anges, et la rate dilatée comme une pupille de hippie.
Une demi-heure, juste le temps de passer chez Jenyfer, voir si ils ont soldés de nouveaux pantalons taille basse qu’elle pourrait porter avec arrogance. De ses 19 ans, avec presque 10 ans de danse et de gymnastique, elle n’avait pas un soupçon de débordage lorsqu’elle enfilait ces pantalons trop petits d’une taille, et à la fac, c’était une fierté que de se montrer comme ca devant le lot de dindes dont la plupart n’osaient même pas avouer porter un string.
Elle chassa l’idée même de la fac, de toutes manières elle savait son avenir tout tracé ailleurs, et ne souhaitait pas avoir à se préoccuper de quelconques études.
Jenyfer avait bien des jean’s taille basse, le plus dur était d’en trouver un qui ne serait pas déjà porté par une de ses amies.
Au milieu du dédale des cintres, elle ne vit pas le temps passer, et assis à la croisée des chemins magasins, entre un youka et un cendrier, il l’attendait, partagé entre de l’impatience et de l’agacement au souvenir des tics futiles de la donzelle. Il detestait ses bagues, elle en avait au moins 6, pas forcément grosses, mais encombrantes à l’oeil, et grossièrement enfoncées dans ses doigts, l’irrégularité de leur enchassement donnait des frissons à Kevin, c’était une sorte de torque. De ploque. De croque. De toque. Oui, c’est ca, de toque. Quelqu’un lui tapa sur l’épaule.
Kôhl et parfum d’encens, chemise noire et manche retroussée, il revint à son visage n’ayant pas trouvé le temps de regarder sa poitrine, mais notant mentalement qu’il le ferait dès qu’elle détournerait le regard.
« Oui ? »
« Tu n’aurais pas une .. non, désolé, je suis honnêtement désolé »
Kevin farfouilla dans son jean large au gris brillant, un Fubu, et en sorti un Zippo comme les collégiens s’en offrent lors de leur premier aller-retour en Andorre. Il le dirigea précipitemment vers le visage de la fille, celle-ci sursauta et le regarda avec un air de pitié sincère et profonde.
« Merci .. je voulais juste discuter, c’est aimable, mais je ne fume pas »
Il rangea le briquet à coté de son porte-clé Renault jaune. Et rougit. Il se demande ce qu’il pourrait bien lui dire, et essaya en coin de regarder la jeune femme. Il l’estima d’une vingtaine d’années, et sa jupe n’était pas assez courte à son gout. Elle portait de ses grosses chaussures qu’on voit chez les gens qui écoutent du métal, et il nota mentalement qu’elle n’était pas du bon coté de la barrière à cause de ca, remontant, il ne manqua pas d’observer sa poitrine, à défaut des fesses que la jupe large semblait dissimuler à dessein ou non. Sa mine était maussade, mais ses cheveux noirs et brillants, vraiment beaux, il n’arrivait pas à se dire qu’elle n’était qu’une jeune teubé bourge, comme le stéréotype l’entends.
Jennifer restait encore dans Jenyfer, elle trouvait des corsets chatoyants et des t-shirts courts lumineux, elle entassait les vêtements sur son avant-bras sans prendre la peine de les débarasser de leur cintre, elle s’imaginait déjà en train de les essayer, sentant l’odeur un peu poussièreuse mais jubilatoire du coton neuf. Elle ne sentit pas son téléphone vibrer pour la 3e fois, mais elle sentit clairement le regard du garçon qui semblait attendre son amie dans l’entrée. Elle sourit et lui présenta innocement ses fesses, sentant la chaleur de l’ego la brûler dans le ventre, et remonter le long de son dos jusqu’à son cerveau où il pétilla comme un coca frais.
Kevin osa regarder à nouveau la jeune métaleuse, il lui sourit, elle regardait ailleurs. Il fixa à nouveau sa poitrine, elle n’était pas réellement volumineuse (image mentale de films pornos, une blonde à quatre pattes avec de longs ongles roses et carrés bougeait en rythme et en gros plans, ses seins d’au moins un kilo cinq chacun oscillant avec insistance), ni même plate (image mentale de documentaires sur l’Ethiopie, une africaine d’environ soixante ans et torse nu, à la peau séchée et flétrie, couverte de mouche), il devina même entre les boutons de la chemise un soutien-gorge violet foncé, ce qui changeait du rose ou du blanc de Jennifer dont il avait plus que l’habitude.
Elle se retourna et sembla le surprendre dans son étude poussée d’anatomie, il rougit et dé-rougit en une seconde, replaçant rapidement sa tête, regard en direction du sol.
Elle l’avait vu. Non. Et puis quoi, c’était qu’une métaleuse, les métaleuses c’est toutes des putes bourges qui captent rien à la vie.
Il sentit plus précisement l’odeur d’encens, elle s’était approchée de lui.
Elle lui murmura « Ecoute, Kevin, tu ne me reconnais pas, mais je suis Virginie, j’étais avec toi au primaire, et je suis partie au moment d’entrer en 6e. Je suis revenue avant-hier, mais je ne suis revenue que pour toi »
A ce moment précis, il se sentit étranger à ses vétements. Il sentit que son pantalon était trop large, ses cheveux trop pleins de Pento, sa montre trop lâche et lourde, et cette affreuse chaïne en or lui brûlait presque la peau sur la nuque. Son polo Ralph Lauren l’irritait au plus haut point, et ses CAT semblaient peser 20 kg chacune, il sentit le sang lui monter au visage, et l’odeur de son eau de toilette changea en une odeur de sueur forte et désagréable, comme si on était persuadé que tout le monde la sentait autour.
Virginie posa sa main sur celle de Kevin, puis d’un geste simple lui déroba son téléphone portable à clapet, elle l’ouvrit et regarda la photo couleur d’une 206 Peugeot de Rally
« Je sais que tu as évolué sur une pente infâme, tu comprends ? Je sais que tu apprécies les filles futiles, que ta vie est gérée par tes amis, et que tu n’apprécie que fifty cents, mais souviens-toi, avant ca, tu étais autre chose, tu étais quelqu’un »
L’esprit de Kevin tournicota autour des solutions qui lui étaient proposée, il se retourna afin de réctifier la honte qu’il venait de subir en fierté, et apercu les yeux de Virginie, parfaitement cerclés de noir, d’un vert coloré, presque faux, un vert émeraude, un vert menthe, un vert .. Il se mit à pleurer à gros sanglots, passa sa main sous sa veste et en sorti l’énorme COLT calibre .45, et le posa sur le banc, offert à Virginie.
Elle le prit, et le vida de ses cartouches une à une en tirant la culasse plusieurs fois.
Elle avait vu Jennifer sortir du magasin, et ne pouvait prendre le risque que Kevin reperde la raison.
Jennifer sorti de Jenyfer, jeta un coup d’oeil à son portable-photo pour connaître l’heure, 3 appels en absence, elle avait 20 minutes de retard, elle jeta un coup d’oeil au haut de l’allée, là où ils se retrouvaient habituellement.
Il y avait du monde dans la gallerie marchande, et elle mit une dizaine de secondes à apercevoir le danger. « Elle » était là , à coté de lui, c’était impossible, mais le temps n’était pas aux interrogations, elle laissa tomber son sac plastique, gonflés d’achats soldés, glissa ses mains dans le dos intérieur de sa veste, sortit et assembla son PM custom, de sa botte elle dégotta deux chargeurs longs, en enficha un en courant vers sa cible.
Virginie était déjà prête, elle tenait son immense épée à deux mains, en position de reception de charge, ses cheveux voletaient étrangement, comme sous l’effet d’un courant électrostatique, elle avait les dent sérées et un rictus infâme. Les badauds au premier abord curieux, étaient maintenant paniqué, la jeune fille émit un râle d’abord sourd et profond qui devint une sorte de litanie, certains mots seulement atteignaient l’oreille et le cerveau des passants, et ils les terrifiaient, au point que pétrifiés de peur, ils ne pouvaient s’enfuir comme la plupart de leur semblables.
La première rafale arriva comme une bourrasque, imprécise du fait de la course, elle n’en était que plus dangereuse, écartant l’éventail des possibilité de mourir sur un diamère de 5 à 6 mêtres. Sur les trente premières balles, vingt avaient surtout servi à dégager la course et le champ de vision de Jennifer, les dix dernières étaient juste là pour impressionner son adversaire.
Echec, dans un cri puissant, Virginie para les balles une à une, sans bouger un seul de ses pieds enfoncés de 5 bons centimètres dans les dalles beiges du sol du centre commercial. Ses gestes étaient précis, bien faits, pour montrer à la pute blonde qu’elle aurait du fil à retordre avant de récuperer son Kévin.
Le chargeur vide claqua contre les dalles, bruit détaché au milieu des cris de panique et de la mélopée de Virginie qui avait maintenant atteint un niveau élevé de décibels, projetant une aura de crainte presque palpable alentour.
L’Ingram recommença à cracher son lot de plomb, tout aussi innefficace, Jennifer criait et courait en tirant, elle devait faire valoir la puissance de son clan, et jamais elle ne tolèrerait que Kevin repasse du coté obscur, dans la Maison du Metal, elle entendait déjà ses frères dans un nuage de fumée d’herbe lui reprocher la perte de cet élément essentiel, un gars qui avait un flow exceptionnel et qui connaissait à merveille le montage de néon sous-chassis. Elle n’aurait pas à supporter cet afront, elle le récupererait coute que coute, la Maison Tuning règnerait, son déclin n’était qu’histoire de TF1 et boniments de de 20 ANS.
Son adversaire à une dizaine de mètres, Virginie était concentrée sur la trajectoire des projectiles, elle entendait sonner au fond de sa conscience « Alma Mater », ses patriotes l’aidaient de leur sanctuaire, elle sentit l’abord des pensées de toute sa coterie, ils envoyaient toute leur puissance afin de récuperer l’Elu, détourné par une simple ré-orientation en Internat technique en zone non-dégroupée, à plus de deux heures de toute grande agglomération.
Celui-ci gisait, prostré et pleurant les larmes de l’homme dont les souvenirs de traumatismes remontent soudainement, il saisit l’horreur de tout ce qu’il avait vécu ces 5 dernières années, les soirées en boîte, les mobylettes, les matchs de foot, les écharpes de foot, les soirées foot, tout ca lui apparut sous leur plus affreux jour, le miroir de sa mêmoire lui refletait ce qu’il avait été et ce qu’il fut, il pleura encore, il ne put voir la mise à mort de son passé, executée avec précision et netteté.
Lorsque Virginie quitta le contact du sol, c’était pour un saut précis et puissant qui surpris son adversaire, empressé d’en finir en chargeant tout pistolet-mitrailleur en avant. Jennifer pensa à son brushing, juste avant que l’énorme flamberge lui brise le corps du haut du front jusqu’à la naissance de ses seins. Sous le choc, ses genous tombèrent au sol et brisèrent le carrelage en partant eux-aussi en miettes, sa colonne vertébrale se tordit comme un S scabreux, sans se briser pendant quelques secondes, la force de pression la rappela à une position naturelle qu’elle ne put atteindre, et comme le reste de Jennifer, elle se brisa dans un bruit sec, comme une petit branche que l’on casserait par jeu, par ennui.
L’allée, peut-être même la gallerie marchande elle même s’était vidée, la litanie avait pris fin, et on n’entendait plus que les sanglots de Kevin qui semblait reprendre le dessus sur lui même.
La flamberge refletait le sang plus qu’elle n’en portait, Virginie fit quelques pas, évitant soigneusement de souiller ses Docks, récupera le sac Jenyfer, en sortit en boule les vétements dont elle se servi pour essuyer les quelques particules d’os et de chair qui maculaient sa Lame. Elle émit une prière silencieuse aux dieux nordiques de la guerre, regrettant d’avoir eu à briser un si beau creuset qui aurait pu accueillir l’hydromel du clan.
Elle ramassa aussi Kevin, lui retirant son blouson en cuir marron, et écrasant d’un talon le portable argenté et la montre Festina.
« Je suis là Kevin, lui murmura-t-elle, tes parents t’ont maudit du prénom profane, mais nous réussirons à vaincre »
« J’ai … J’ai .. J’ai regardé les NRJ music awards … » il repartit d’un sanglot sincère et agité.