Re : Blog 3
Il y a une certaine ironie à écrire sous ce post en écoutant des Taylor’s Version, mais rien n’est le fruit du hasard.
Je suppose qu’à l’époque le terme « asexuel » était dans le langage courant autant qu’il l’est aujourd’hui parmi les jeunes adultes et adolescents, je l’aurais utilisé, certainement à tort.
Cette construction de haine envers l’hypersexualisation vient vraiment du rejet de la masculinité toxique permanente des 10 précédentes années durant mes années collège et lycée, où j’avais l’impression d’avoir un problème hormonal chronique tant j’étais déconnecté des sempiternelles discussions sur le cul. Attention je ne parle pas des discussions du type « elle est bonne celle-là » ou « mettrais-tu ta langue dans la bouche de Bilitis si tu en avais l’opportunité ? », mais plutôt cette impossibilité d’imaginer traiter les femmes autrement que des réservoirs à foutre, et d’orienter toute sa vie sociale sur la possibilité de baiser.
20 ans plus tard (ceci reviendra souvent), je vois toute la condescendance de parler de ça comme si j’étais à l’époque au-dessus de tout désir, mais il est très clair et on le reverra plus tard que j’avais le syndrome du « nice guy » et certainement un mélange d’auto-rejet de ce corps de post-ado moche et maigre et de jalousie de voir tous mes crushs emportés par des partenaires qui ne me convenaient pas (== qui n’étaient pas moi).
Alors oui clairement je croyais en la friendzone dans laquelle j’étais souvent « trop injustement placé », que toutes les femmes aimaient les mauvais garçons et qu’on les traite mal. Je dirais que la seule chose dont je peux tirer une fierté c’est de pas avoir terminé incel débile à maltraiter les femmes (pas trop, on y reviendra aussi certainement plus tard), preuve que c’est pas une fatalité et que même dans une période pré-Gamergate où je fréquentais 4chan à haute dose, c’était quand même possible de pas sombrer dans ces travers ni devenir nazi.
Le problème est que ces convictions étaient aussi ancrées dans le fait que je pensais sincèrement que le désir féminin était radicalement différent du masculin, et que j’imaginais absolument pas qu’une femme puisse consommer de la pornographie par exemple, ou prendre vraiment du plaisir dans des coups d’un soir. Du coup je m’estimais au-dessus du lot à « mieux les comprendre » (lole), et que grâce au fait que je ne pensais pas H24 à baiser, contrairement à tout le monde, j’avais le pouvoir de voir au-delà le trouble provoqué par la libido pour m’intéresser à autre chose que leur vagin.
Evidemment je me suis construis dans mon temps et ma période, mais quand je vois les jeunes aujourd’hui, je me demande si j’ai manqué le groupe d’ami à l’époque dans lequel j’aurais pu trouver une place plus adaptée à mes sentiments, ou si tout simplement il aurait fallu attendre 2020 pour ce groupe existe ? Est-ce que justement j’avais besoin de me construire en opposition à ce qu’ils étaient et qu’il y avait une référence sous mes yeux en permanence de ce que je ne voulais pas être ? Plus tard j’ai appris à comprendre qu’évidemment tout le monde était à peu près pareil sous la couche superficielle de présentation sociale, mais aussi qu’à force de prétendre pour s’intégrer, le rôle devenait de plus en plus réalité.
Ce que le blog m’a appris de plus, c’est qu’en écrivant ce qui pouvait passer pour un cri d’ado frustré mais qui pourtant, je m’en souviens maintenant, a été très dur à écrire (de crainte justement de passer pour un ado frustré), on pouvait trouver des gens qui se reconnaissaient dans ça, et qu’on était jamais vraiment seul, juste parfois isolé.