Thank you for riding MTA
Petit à petit ça arrive, je range encore quelques vestiges, et puis en trouvant un quarter, une note d’ATM, je commence à réaliser, New-York quoi, certes, c’est assez courant comme voyage, on va même dire qu’après Paris, ça doit sans doute être la ville que les gens souhaitent le plus visiter dans le monde entier, c’est relativement banal, mais si je remonte à mes douze ans, c’est pas banal.
A cette époque, mes parents me laissaient pas trainer en colonie de vacances, on peut dire que j’ai passé de plutôt bonnes vacances, on allait un peu partout en France, beaucoup d’étés en Espagne, bref, j’ai pas été un frustré du voyage, mais c’était autre chose, les USA. Je suis pas né dans une famille hippie révolutionnaire anti-télé-anti-américaine, non pas vraiment, mes grands-parents ont vu débarquer les américains à Alger, et on m’a jamais répété que ces raclures impérialistes allaient détruire notre identité culturelle, alors, comment ne pas avoir été fasciné par les Etats-Unis ?
Je me suis toujours dit que j’irai là bas, non pas pour vivre, j’ai pas la prétention du rêve américain, mais depuis le collège, mes yeux sont tournés vers l’ouest, 80% de ma culture et sous-culture en est issue, mon travail, mes passions, tout a un rapport, sans être non plus une obsession qui m’aurait poussé à tout faire pour choper une green card ou épouser une cheerleader du middlewest, non.
Mon histoire a voulu que j’aille faire deux tours au Québec, mais j’ai pas réussi à me convaincre que j’étais allé en Amérique, il me fallait le real deal, un vrai voyage américain, et c’est pas faute d’avoir prévu des dates « l’an prochain », paf un déménagement et un compte vide plus tard, « on verra dans deux ans », paf la voiture cassée, un nouveau quake est sorti il faut changer le PC, bref, de recul en recul, j’en étais venu à me dire que voyager aux USA serait mon rêve qui arrivera un jour, celui qui en fait n’arrive jamais.
Le problème aussi, c’est qu’à force d’attendre 30 ans, j’ai vachement pragmatisé le rêve, la seule problématique qui s’est posée une fois que nous avons réservé les billets d’avion presque sur un coup de tête (on a décidé des dates et trouvé un logement en quelques heures), c’est comment faire en sorte que tout soit parfait, pas de temps mort, quoi acheter, ou aller, bien rentabiliser le temps, j’ai complétement perdu l’essence du désir primal de me trouver là où tout s’est passé, au pied des tours, sur les lieux même de la création culturelle qui m’a forgé, et de simplement m’imprégner du jus de bitume.
Une fois sorti du brouillard de l’avion sans retard et avec juste quelque tangage à l’aterrissage, New York était pas si grande, en fait, du moment où j’ai pu embrasser la skyline du regard, le cul enfoncé dans le taxi, j’ai plus été étonné de l’état de délabrement des tours d’observation de flushing meadows (mais si vous savez, celles de MIB) que des tonnes de gratte-ciels. En fait je les connais ces gratte-ciels, je les ai vu, par hélicoptère, la nuit, de l’Hudson, de la mer, de l’Espace, sous la glace, j’ai vu New York sous toutes les coutures, en fait. Blasé ? non, pas du tout, juste le gigantisme de New York n’est pas ce qui m’a le plus sauté aux yeux, ce qui m’a le plus surpris, c’est que justement, j’avais l’impression d’être chez moi une fois le pied posé dans la rue, là où finalement, je suis quelqu’un de normal, et pas un adolescent attardé qui dit des mots anglais et qui n’aime pas le foot ou le rugby comme tout le monde devrait, qui préfère le coca au vin, un burrito à un cassoulet maison. Et ça, ça m’a vraiment pris de court.
Rassurez-vous, plus tard, je me suis aussi aperçu que je n’étais qu’un touriste français, mais sans avoir la prétention d’être un rebelle ou un être différent, je me suis juste jamais senti à ma place parmi la masse franchouillarde, et même une fois débarqué au coeur d’Harlem, dans des conditions qui font que partout ailleurs j’aurais flippé ma race de petit bourgeois de banlieue aisée, je me suis bizarrement senti pas si différent, à vrai dire, j’avais plus l’impression d’être dans un lieu familier sur la 125th que dans la rue St Rome, pourtant on m’a demandé autant de fois une pièce ou d’acheter un truc.
Mais c’est comme ça, en plus impossible de se perdre dans une ville en quadrillage, où tout le monde vous parle comme si il vous connaissait depuis 30 ans, wassup man, how’you doin guy, des billets de 1$ plein les poches comme on traîne des bouts de papier, c’est un symbole en lui-même ce billet, le plus petit dénominateur commun de l’Amérique, et dire que j’en avais conservé un dans une boîte comme une relique, lui vouant une valeur inestimable, un dollar quoi !! A New York j’ai payé avec de l’argent qui coutait 0.7 fois moins cher que l’argent de mon salaire, pourtant chaque dollar posé sur un coin de table m’a comblé de plaisir en le dépensant.
Autant je déteste le metro parisien, en fait, il m’inspire la panique, le RER me dégoute, mais quand j’ai mis les pieds dans une rame de la MTA, c’était pas le palace, mais avec du recul, je n’ai pas pensé de tout le séjour une seule fois qu’une bombe pouvait exploser, chose qui m’arrive dans un trajet sur deux de RATP, merde, le metro New Yorkais, celui qui fait tellement peur dans tous les films, avec ses voyous à veste en jean déchiré, ses junkies avec des couteaux et des mitaines en cuir, en fait, il est mille fois plus accueillant que n’importe quelle ligne parisienne. Ca m’en donne honte de mon propre pays, ou plutôt de ma capitale touristique, Paris. Paris est comme un diamant recouvert de merde, quand je vois comment on traite un touriste dans les deux villes, comment 98% des New Yorkais du plus obscur chauffeur de taxi Sikh à la photographe du NY Times ont été plus accueillants que le plus sympathique des serveurs de bar à 10 Euros le coca de la capitale, je me demande comment on arrive autant à attirer encore les japonais. Oh je parle pas de sécurité ou de bombe, mais de la faune, de l’autochtone, un américain par définition aime les dollars, et il sait qu’un touriste heureux va dépenser tout son argent, tout est fait pour que tu laisses un dollar quelque part, mais sans jamais forcer la main, le tip par exemple, c’est bien pour te faire comprendre qu’il y a deux choses dans un service ; un produit, et une personne, et que si tu es pas content de ta bouffe, c’est pas pour autant que la personne qui l’a apportée est une grosse merde qui ne mérite pas son bonus. En France, le touriste est avant tout un géneur, il bloque le passage dans l’escalator, parce que putain t’es un putain de parisien pressé quoi merde, de plus il se déplace en groupe qui bloque les trottoirs, en bus qui bloquent les rues et fait la queue qui bloque l’entrée aux musées que de toutes manières tu ne vas pas visiter car c’est UN TRUC DE TOURISTE, Paris ne se rend pas réellement compte, trop occupée par un PSG dont personne passé la francilienne n’a aucun interêt, que sa vie économique est entièrement liée et dépendate de ses visiteurs, aussi bien de province que du monde entier, Paris est la pute la plus égoïste et irrespectueuse qui soit dans le monde, elle est bien habillée mais tire la gueule et prends cher, te fait une gâterie d’un coté tout en te laissant une maladie honteuse et te chasse à coup de pied au cul, New York est pas forcément la plus belle des putes, mais elle va tellement te faire sentir bien et toujours avoir quelque chose pour te faire plaisir comme tu veux et quand tu veux, qu’il est impossible que tu la quittes sans avoir envie d’y revenir.
New York a aussi été pour moi un des voyages avec le moins de « regrets », dans le sens où je l’ai tellement préparé, que finalement non seulement on a pu faire tout ce qu’on a eu envie, mais en plus flâner, trainer, dormir, un concert inattendu, une vidéo pour rigoler (avec des aller-retours deux soirs d’affilé à Times Square pour une scène même pas retenue au montage), bref, tellement tout, que le sentiment d’avoir loupé des choses que j’ai naturellement au retour de tout voyage était absent. Oh biensûr, je ne prétends pas qu’on ait tout vu de New York, loin de là, on a juste comblé le temps parfaitement avec exactement ce qu’on voulait, et ça, ça n’aurait pas pu arriver autrement qu’avec Elise et zouzouito, qui sont définitivement les meilleurs compagnons de voyage qu’on puisse souhaiter.
J’y ai même découvert de nouvelles facettes de moi-même, laissé une maladie nerveuse de deux ans là-bas, et ramené un virus pharyngien vraiment tenace, pour ce qui est du coté immatériel, je vous parle évidemment pas du coté matériel, mon compte en banque refuse encore de m’adresser la parole, mais il sait qu’il va devoir se renflouer, parce que les partenaires de voyage ont déjà des projets plein la tête, moi, je pensais qu’après les USA et le rêve américain, c’est l’Asie qui m’aurait attiré comme un aimant, mais non, même si c’est trois semaines après le retour que je prends pleinement conscience de ce que j’ai vécu, l’aimant américain fonctionne encore à plein, et maintenant, je n’ai qu’une hâte, que du temps passe pour que l’attente avant de réaliser une connerie de rêve de gamin très clichés sur les routes américaines devienne insupportable, au point qu’un jour, en quelques heures, on prenne une décision qui me ramène sur des lieux familiers, dans un pays familier.